Pas à pas, pierre après pierre.

Depuis combien de temps la connaissait-il ?

La réponse se perdait loin dans ses souvenirs. Elle remontait à l'époque où il avait découvert Menethil et les Paluns, premiers pas dans les Royaumes de l'Est. Ca faisait longtemps en vérité ! Ca avait été une rencontre totalement fortuite. Avec l'aide d'un aventurier de passage elle était en train d'explorer le tombeau d'un roi des Nains dont le souvenir se perdait dans la nuit de leurs cavernes oubliées.

Il lui avait trouvé un charme particulier. Il s'était montré attentionné et elle avait réagi positivement, mais n'osant quitter sa forme féline qu'à de très rares occasions et pour exercer ponctuellement une magie incompatible avec la panthère. Il croyait comprendre, à travers ses feulements et ses postures, que cette métamorphose était pour elle à la fois une protection et une seconde nature. Elle y trouvait refuge. L'ayant compris il s'y adapta et voulut l'aider à se retrouver elle-même. Ils avaient discuté pendant presque tout le jour et la nuit qui suivit.

Ils se rencontrèrent de nouveau, de loin en loin, puis plus souvent.

Il se satisfaisait de la forme féline de la druidesse. Elle était d'agréable compagnie, soutien efficace, et occupait leurs moments de pause en lui faisant éprouver la douceur de sa fourrure ou bénéficier de sa chaleur animale. Elle usait d'une sensualité que l'Elfe elle-même ne se serait jamais permise. Il la comprenait, échangeaient des regards et se disaient sans un son les mots complices qui lient les âmes en une douce tension. Ils s'attachaient l'un à l'autre au fil des jours. Parfois elle prenait plaisir à reprendre forme elfique mais ça ne durait jamais longtemps : un bruit, un choc, une émotion et... la panthère était de retour.

Il repensa à ce jour où il avait pris un ton autoritaire, lui ordonnant de se coucher tandis qu'il sortait son couteau de dépeceur. Elle s'était avancée, craintive. Il en avait été attendri. De la voir si docile, si obéissante... il en avait contracté le sentiment d'un devoir de protection à son égard, de respect. Elle lui accordait un grand pouvoir sur elle et, en contrecoup, une forme de responsabilité lui incombait. De son couteau il avait rafraichi les marches d'Elune que la repousse du poil finissait par estomper.

Il se rendit compte à cette occasion qu'elle n'était déjà plus n'importe qui pour lui, qu'elle était fragile devant ses mots, qu'il devait faire attention à elle.

Et puis un jour...

Il ne lui cachait rien de ses difficultés matérielles ou sentimentales, de ses joies, de ses échecs, de ses rencontres. Si elle n'était pas demeurée panthère presque en permanence, il n'aurait sans doute pas parlé si ouvertement à la druidesse : Il n'en confiait pas autant à Echeyakee. Mais le lion des Tarides était, il faut bien le dire, nettement moins réactif que la métamorphe.

Il rencontra Nénir. Et la jeune Elfe séduisit le barde. Elle était une alliée de longue date et l'aimait, disait-elle, depuis longtemps. Ils se reconnaissaient l'un l'autre une complicité qui allait au-delà de leur alliance formelle. Mais il avait ses engagements et elle avait les siens : ils s'étaient donné un délai avant de se retrouver.

Le jour où Nénir vint vers lui, Kaïrah ne put contenir un comportement autodestructeur totalement inattendu : Elle se mutila le museau avec ses griffes, se mordit les pattes, se lacéra et se fit du mal de milles façons. L'intervention de Teiana et Fany mit un terme à cette scène dramatique. Quand, quelques semaines plus tard, CrileLoup et Nénir rompirent, Kaïrah était encore là. Jamais elle ne l'avait abandonné, même quand li se donnait à d'autres qu'elle. Elle l'aimait... et son amour était un amour de femme, pas l'amour d'une panthère pour son maître. Ces mots là, elle lui avait tenu quelques jours plus tard, une fois remise, sur l'île du phare d'Auberdine, dans la petite grotte qui s'ouvre à son pied. Et elle lui avait dit aussi combien elle voulait parvenir à se passer de la panthère afin d'être à lui en pleine possession de sa féminité qu'elle avait tant refoulée.

De cet instant de sa vie il ne connut plus d'autre femme.

Les choses n'avaient pas été faciles pour autant. Il avait douté... longtemps. Pourtant autour de lui on semblait apprécier la jeune druidesse. Il faut dire qu'elle était bourrée de qualités. Il ne lui trouvait pas de défaut sinon celui d'être, peut-être, un peu trop jeune pour lui. Pour Kaïrah ce fut une seconde étape difficile. Après lui avoir livré son coeur, il lui fallait encore gagner le sien non plus pour la panthère mais pour elle-même, Kaïrah, pleine et entière, Elfe de corps, d'âme et d'esprit.

Elle progressait jour après jour. Lentement lui aussi lui ouvrait son coeur meurtri par les coups repétés que la vie lui avait assenés. Sans qu'il oublie ce qui l'avait blessé, Kaïrah parvint à lui faire relativiser, reléguant le passé à sa place : Aurorielle disparue, Gylianell si jeune et si... humaine, la trahison douloureuse de Nénir et enfin la volatilité de Leneïa. Elle était la cinquième pointe de l'étoile et comptait bien être la dernière.

Enfin il lui avait demandé d'être sa promise, devant un puits de Lune, en présence de sa Nilianée. Ils s'étaient engagés l'un envers l'autre à tout faire pour parvenir à construire une complicité qui ferait d'eux des Elus.

Ce jour là, elle était entrée dans son coeur telle une princesse visite le palais qui, bientôt, la verrait couronner reine.

Félicitations...
mais j'espère que cette douce promise ne souffrira pas de ne pouvoir rester elle-même.
La Nature est jalouse et possessive, surtout chez les elfes et encore plus chez les druides!
Prenez soins de vous.