[BG RP] L'officier

Aux portes de la Ville de Stormwind, en fin d'après-midi...

- Excusez-moi... Je cherche la caserne de la Garde.
D'abord surprise par l'uniforme inhabituel d'Avothellyr, la sentinelle posa les yeux sur le galon, accroché à son épaule, frappé du rouge de la division des Maleterres.
- Entrez dans le quartier commerçant, puis bifurquez vers la droite pour vous rendre à la Vieille Ville. Vous y trouverez le quartier général, Sergent.
Avothellyr hocha la tête d'un air fatigué et gratifia la jeune garde d'un sourire, qui lui adressa un salut militaire. Le sergent lui rendit avant d'entrer dans la ville.

Deux ans... Cela faisait seulement deux ans qu'Avothellyr n'avait pas franchi les portes de Stormwind. Et comme il avait le sentiment que la ville lui était étrangère, à présent ! Il était né et avait vécu dans la Vieille Ville, dans l'aristocratie, et il ne marcha que d'un pas hésitant pour la retrouver. Deux ans... Il lui avait pourtant semblé qu'il avait quitté sa jeunesse des siècles auparavant.

Deux ans auparavant, après un voyage de plusieurs mois, son régiment avait enfin atteint les Maleterres. Il était alors caporal quand on l'affecta à la défense du nord d'Alterac. Les premières semaines avaient été un enfer : le climat épouvantable, le brouillard à couper à la rapière, les marécages nauséabonds, les animaux hostiles... Mais surtout, surtout, il y avait le Fléau. Le Fléau... Bien sûr, il avait entendu parler du Fléau. Il savait bien, pour l'avoir entendu répéter, que c'était la plus abominable chose jamais observée. Mais jamais il n'aurait osé croire que c'était véritablement plus qu'un épouvantail destiné à effrayer les âmes naïves pour justifier cette interminable guerre.
Au cours du premier mois, lorsqu'il sentait l'air gorgé de sang putride à chaque minute, de chaque heure, de chaque jour et de chaque nuit, lorqu'il entendait bruire des créatures cauchemardesques dans les bois, lorsqu'il combattait des mort-vivants au regard vide et pourtant chargé de haine, de violence et de souffrance, il crut que cela passerait avec le temps. Qu'il s'habituerait. Naïf qu'il était !
Après trois semaines passées en réserve à quelques kilomètres du front, son régiment fut enfin envoyé au front. Il allait pouvoir faire reculer cette tare immonde, cette corruption infâme, et son âme pourrait trouver la sérénité. Las... Son régiment attaqua un petit groupe de goules errantes qui menaçait de pénétrer en Alterac. Ils étaient en supériorité numérique, et stratégique, car Avothellyr était un bon officier. Mais les goules semblaient invincibles : les hommes avaient beau les taillader, leur couper des membres, elles conservaient leur agressivité, et l'inévitable arriva. Son second trouva la mort et, rongé par la honte et la colère, mais soutenu par le sens du devoir, Avothellyr ordonna une retraite stratégique, sans autre possibilité que celle d'abandonner sa dépouille aux immortels assassins.
La soirée fut pénible. Il ne pouvait supporter le regard de ses hommes, qui était un mélange de compassion, de tristesse et d'accusation. Il trouva le sommeil la mort dans l'âme et empli de culpabilité. Ses rêves furent naturellement hantés par le Fléau et par ces monstrueux simulâcres d'humains qui avaient assassiné son second dans une pathétique imitation de la vie.
Le lendemain, il résolut de venger son second et il se rendit avec ses hommes là où l'on avait signalé les goules errantes. Les archers avaient emporté des flèches combustibles et Avothellyr avait requis l'aide d'un prêtre de la Lumière pour purifier l'âme de ses hommes. Ils atteignirent les goules et commencèrent une charge stratégique. Mais le mouvement prit brutalement fin à quelques mètres du groupe de goules, quand ils se furent suffisament rapprochés pour lire le visage d'une goule qui avait l'air en meilleur état. C'était une ridicule parodie de leur frère d'arme tombé la veille.
De ce jour là, Avothellyr comprit que les Maleterres resteraient toujours un enfer, aussi longtemps que le Fléau règnerait sur ces lieux, et que jamais son âme ne trouverait le repos et que toutes ses nuits, jusqu'à celle de sa mort, seraient hantées par les spectres du passé, le souvenir effroyable des Maleterres et du Fléau.

Au cours des mois, les hommes tombaient les uns après les autres. Ils avaient quelques victoires, quand c'était possible, et Avothellyr fut bientôt nommé sergent, mais l'esprit de l'officier était petit à petit dévoré par les Maleterres. Il passa plus de vingt mois dans cet enfer, et quand il fut le dernier survivant du régiment dont il avait la charge en arrivant là, il était au bord de la folie. L'Etat-major décida alors que la ville de Stormwind avait grand besoin du sergent Avothellyr, et il fut transféré à la Garde quelques jours plus tard.


Après quelques minutes de marche, il atteint la Caserne de la Garde, et il y rencontra le Capitaine Nyele, qui lui expliqua quel serait son devoir. L'entrevue fut brève et il eut bientôt une permission pour le reste de la journée. L'occasion pour lui de refaire connaissance avec la ville de son enfance.

Revenir après une telle expérience dans la ville de sa jeunesse inspirait une sensation étrange à Avothellyr. Bien entendu, il connaissait chaque recoin de la ville pour l'avoir arpentée des heures durant pendant les vingt premières années de sa vie. Mais la guerre, sa guerre, avait transformé le terrain de jeu de son enfance. A présent, les gardes arpentaient chaque rue, et les aventuriers formés sur le tas, remplis de pâles rêves de gloire, ignorants qu'ils étaient de la réalité des champs de bataille, se pavanaient dans toute la cité.

Pour autant Stormwind n'avait pas complètement perdu son charme. Elle était toujours la ville pressée des diplomates et des commerçants de passage, la ville anonyme où l'on ne passait qu'une nuit, qui ne dormait jamais et dont la réserve d'alcools exotiques était intarissable. Après quelques jours passés en ville, Avothellyr refit connaissance avec la cité, comme on refait connaissance avec un vieil ami perdu de vue depuis trop longtemps. Il commença donc par lui demander comment elle allait, lui demanda des nouvelles de leurs connaissances en commun et ils finirent naturellement par se remémorer ensemble leurs bons souvenirs.

Un soir, il s'était assit sur le pont jeté entre le Quartier des nains et celui de la Cathédrale, son harmonica en mains, pour méditer un peu sur leur relation, à Stormwind et à lui. Il entamait un air triste et mélancolique, quand il sentit une présence à côté de lui. C'était une jeune femme, toute blanche, qui avait l'air si fragile, si triste, et si digne en même temps... Intrigué, mais toujours concentré, il continua pourtant sa mélodie jusqu'à la fin.
La jeune femme soupira longuement, apparemment préoccupée par quelque chose qui dépassait largement l'officier.
"Quelle ville...", dit-il.
Elle hocha la tête en silence, avant de déclarer : "Pleine d'intrigues et d'agitation..."
Sa voix était forte et assurée, et pourtant le joueur d'harmonica y perçut un trouble.
"Les étoiles, immuables, veillent pourtant chaque nuit sur les eaux mouvantes de la cité", reprit-il. Après un pause, il ajouta : "On peut chercher à fuir l'infortune, à s'éloigner pour vivre l'aventure, mais on finit toujours pas revenir sur ses pas."
Il guetta son sourire distrait, mais il comprit qu'elle était ailleurs, même si elle se trouvait à quelques centimètres de lui seulement.
Une inspiration plus tard, et il avait entamé un nouvel air d'harmonica, plus calme et quiet que le précédent. L'expression du visage de la jeune femme se radoucit et elle sourit plus largement - elle connaissait probablement l'air qu'il avait appris à dans sa jeunesse.
Leurs regards restèrent plongés sur l'eau des canaux qui passait en dessous d'eux pendant plusieurs minutes. Puis, elle se releva lentement, offrit un sourire au joueur d'harmonica. Il la regarda avec profondeur, et alors qu'elle s'éloignait, l'air aussi fatigué que lui mais rayonnante de pureté et de beauté, vers le Quartier de la Cathédrale, il se fit la promesse de la revoir bientôt.

Le sergent resta là un moment, circonspect. Il haussa les sourcils, puis sourit. En rentrant à la caserne, il songeait : "Je suis de retour à Stormwind."

Cette nuit-là, il rêva pour la première fois depuis des mois de blancheur et non de noirceur.

( non réécrit pas tout par dessus :'( utilise "répondre" ce sera plus clair :'( )

(je n'ai pratiquement rien supprimé, j'ai juste développé le passage de la rencontre - en gros je remplace "et ils discutèrent ainsi un moment" par une dizaine de lignes)

Un seul mot : Encore !