Je suis désolée… Trois mots résumant tout ce qu’elle avait réussi à bredouiller hier. Elle avait été si contente de les retrouver pourtant, voir Souris sourire de nouveau, leur parler d’Endherion,… Même Zach l’intimidait moins qu’avant.
Elle aurait voulu leur dire. Mais elle ne pouvait s’empêcher de s’excuser : d’être cette jeune femme hésitante, de ne pas être celle que les gens attendent, d’être là…
De quand date cette angoisse ? Quand elle a trahi Brenn ? Quand l’Eglise l’a trahi ? Non, elle se ment à elle-même. Le doute est en elle depuis le début. Depuis ce jour où le père Calandre l’a convoqué.
Elle terminait ses travaux d’enluminure. Le résultat n’était pas parfait, mais pour une enfant de onze ans elle montrait un talent certain. Le fait d’avoir eu des livres pour compagnons dès son jeune âge y était sans doute pour beaucoup, mais c’était surtout son application et sa patience qui jouaient ici. Elle adressa une courte prière à la Lumière, la remerciant de nouveau de lui permettre, elle simple fille de bûcheron, de travailler dans ce lieu. Si elle mettait suffisamment de bonne volonté, elle était sure qu’elle pourrait rester après la fin de son apprentissage, devenir peut-être même l’une des archivistes de l’abbaye.
Ce fut sœur Lyne qui vint la chercher. Une prêtresse. L’une de celles qui avait été déclarée digne de mettre sa vie au service de la Lumière, de celles qui savaient mêler une volonté de fer et une douceur de tout instant, de celles qui avaient fait sienne les trois principes de la Lumière. Laena les croisait parfois dans les couloirs, toujours belles, toujours fortes, toujours un sourire pour la petite fille qu’elle était. Des anges…
Laena lui rendit un sourire timide, abandonna vite sa plume et se mit à la suivre jusqu’au grand bureau du père supérieur.
Dix ans après, les paroles prononcées ce jour restent flous. Elle ne se rappelle que de ses émotions.
Le désespoir tout d’abord, quand le père Calandre lui a demandé d’arrêter son travail à la bibliothèque. Elle avait échoué, elle avait mis tout son cœur dans sa tâche pour se voir refuser ce privilège. Elle imaginait déjà le regard déçu de ses parents quand elle rentrerait au village.
La surprise ensuite, quand elle se rendit compte que le père continuait à lui parler d’une voix tranquille, alors que Lyne lui souriait.
L’incompréhension, quand les mots devinrent clairs dans sa tête…
Elle avançait comme dans un rêve, serrant la main de Lyne qui la menait vers son nouveau dortoir, sa nouvelle vie. Le père Calandre croyait en elle, il lui avait affirmé avec force. Mais Laena croyait-elle en Laena ?
C’était une erreur… Elle n’en était pas digne…
Prêtresse…