Certaines blessures guérissent jamais...

Ils étaient, une fois de plus, partis à la recherche des Anciens. Une chasse au trésor comme Sou’ se plaisait à le dire. Et c’était un peu cela, la chasse était les longues randonnées, le trésor les histoires anciennes, le tout la complicité partagée.
Cette fois Zach et Laena les accompagnaient et il en était bêtement heureux. Sou’ avait trouvé une amie en Laena et Zach…

Tout se passait bien. Cela faisait du bien de retrouver ces bons moments et pour faire durer un peu plus l’escapade, ils se mirent en route à travers les terres dévastées. Pas un lieu où plaisanter, pas un lieu où se promener mais l’Ancien était là, à la Porte même qui avait conduit les orcs jusque chez eux d’après Laena. Quelle histoire avait-il à raconter ? Qu’avait-il pu vivre en de tels lieux ? Qu’avait-il à partager ? Les risques en valaient sûrement la peine surtout partagés avec eux.

Tout se gâta. Il aurait eu du mal à dire pourquoi. Un démon les avait vu et insensible à leurs coups, il frappait et frappait encore leurs lames sans relâche attendant que leurs bras se lassent pour asséner un coup mortel. Inquiet il leurs avait dit de s’éloigner, de profiter que l’attention soit sur lui pour s’échapper. Il avait dû crier après Sou’ pour qu’elle parte. C’était dangereux même si Zach était venu donnant par là même son accord à l’escapade et il ne voulait pas trahir sa promesse. Pas encore. Alors il lui avait crié de s’éloigner et elle était parti.
Il s’était concentré sur la lutte, sans réussir à décourager le démon, les bras douloureux. Plusieurs fois il tenta de le semer mais quand lasser de lui courir après le démon se détournait c’était toujours pour prendre la poursuite de ses amis. Alors il revenait à la charge et recommençait. Il fatiguait, jusqu’à ce qu’il sente la présence de Zach à ses côtés. En deux coups bien placés, Zach focalisa la rage du démon sur lui et lui hurla de le laisser. Il refusa mais la voix de Zach trancha. Elle ne laissait place ni au doute ni à la désobéissance, c’était celle d’un homme habitué à donner des ordres sur un champs de bataille et surtout à être obéit. C’est ce qu’il fit.

Il retrouva Souris, tendue comme une corde à un arc. Il comprenait. Il essaya de s’expliquer comme il lui avait promis de le faire. Que de promesses… Mais ne fût pas certain d’y être parvenu.

A partir de là plus rien n’allât. Sou’ s’engueula une fois de plus avec Zach. Une fois de trop ? Il ne savait pas, un jour viendrait forcément .
Ils poursuivirent leur quête sans que leur cœur y soit, cahin-caha. Et se retrouvèrent au Nid, chez les nains. Souris était resté en arrière parlant avec Laena. Se confiant à elle, il le devinait bien et ne savait si cela lui faisait plaisir pour elle ou l’inquiétait, un peu des deux pour être honnête.

Il se retrouva seul avec Zach, Nénir qui les avait rejoint à un moment était repartie comme elle était venue, discrètement, sans faire de vagues. Et ils restaient seuls sous les étoiles. Les étoiles qui faisaient se sentir partout chez soi celui qui n’en avait aucun. C’est en les regardant qu’il put parler, un peu. Plus qu’il n’en avait encore eu l’occasion depuis que Sou’ lui avait dit son désir d’avoir un enfant.

C’était facile de parler avec Zach, il ne demandait rien, exigeait encore moins et savait faire le tri, toucher le vrai du doigt sans avoir l’air de rien. Il ne disait pas grand chose et ne se perdait pas en conseils, mais laissait le temps à la pensée de faire son chemin pour s’exprimer. Tout n’était pas dit, le plus sombre restait tapi, mais cela faisait du bien.

Et Sou’ arriva. Elle avait le visage grave et il la sentait tendue. Laena l’observait. Que s’étaient-elles dit ? Il sentait une tension palpable et c’est avec soulagement qu’il entendit Sou’ dire qu’elle était fatiguée et voulait aller dormir. Elle voulait rentrer mais rentrer où ? Ici ou ailleurs revenait au même puisqu’ils n’étaient nul part chez eux. Finalement, ils s’installèrent sur un toit, dans l’ombre d’un grand pin. C’est là qu’il se souvient qu’il était partout chez lui, temps qu’elle était avec lui, près de lui, dans ses bras. Il aurait voulu dormir, oublier la journée. Elle voulait parler et c’est ce qu’elle fit. Elle lui confia ce qu’elle avait dit à Laena. Il l’écouta. Elle en avait besoin et lui aussi. Il voulut lui répondre mais d’une main sur ses lèvres, elle le fit taire et il écouta.

A toi…

A lui ? Il se retrouva sans voix, paniqué. Elle lui avait ouvert son cœur et attendait qu’il en fasse autant. Mais comment ? Il se retrouvait seul face à un gouffre et ne savait plus quoi faire ni quoi dire.

C’était difficile de parler.
Il n’avait pas l’habitude… Il n’aimait pas. Et ce depuis toujours, depuis cet instant qu’il s’appliquait à oublier. C’est l’ passé, on y peut rien. Ca sert à rien d’en parler. Faut juste oublier. Il avait appliqué ce conseil, l’avait fait sien jusqu’à y croire au plus profond de lui.

Et il avait eu raison… Il ne savait pas comment Sou’ avait fait. Pour la première fois il avait mis des mots sur ses souvenirs, pour la première fois il s’entendit les prononcer. Elle n’avait pas compris… Elle avait crié. Elle l’avait bousculé, provoqué au plus profond de lui pour l’obliger... A quoi ? Il ne savait pas… Ou plutôt il avait une peur, une terreur qu’elle y parvienne et qu’il s’y perde. A un moment il avait senti sa main se lever. Tout pour qu’elle arrête, qu’elle n’ait plus ce regard là.
Non ! Il ne voulait pas ! Il ne voulait pas la frapper ! Il avait serrer le poing. Très fort. Il lui avait hurlé de s’en aller. Elle avait ce regard… Elle allait partir, il le savait et ne voulait pas. Tout ce qu’il réussissait c’était de lui hurler d’arrêter, de s’en aller. Il ne voulait pas la frapper. Il ne voulait pas qu’elle parte. Pas encore, pas sans rien y pouvoir.

Il se retrouva à bout de souffle, tremblant. Exténué. Il avait dû lutter conte elle, lutter contre lui-même. Elle ne savait pas… Elle ne pouvait pas comprendre tous les efforts qu’il avait dû déployer pour se retrouver, pour réussir à être heureux malgré tout. Oublier ? Il avait compris depuis longtemps qu’il ne pouvait pas mais il pouvait essayer, très fort, et garder enfoui tout au fond de lui cette noirceur. Un fantôme… Elle lui avait dit qu’il n’était qu’un fantôme ? Etait-ce vrai ? Avait-il échoué à ce point là ?

Elle s’était assise, les genoux serrés contre elle, repliée loin de lui. Il avait voulu fuir. Il n’avait pas pu. Ne plus jamais la voir ? Comment ferrait-il pour vivre sans elle ? Il ne pouvait pas… Pas de nouveau. C’était trop dur. Mais elle restait là, si proche et si loin. Il se sentait si loin d’elle. Il avait tendu la main, effleuré sa joue. Une dernière fois ? Les instants lui avaient paru des heures, toute sa rage envolée ne restait que l’épuisement. Il fit un pas en arrière. Elle restait loin de lui, inaccessible. On pouvait partir loin sans bouger, il le savait bien, il l’avait si souvent fait. La douleur lui vrilla les tripes, il allait partir, ne plus revenir.
Elle lui tendit la main et il s’y raccrocha. Comme un naufragé à son dernier espoir. Il se laissa tomber près d’elle, tout contre elle. Son parfum, sa chaleur, sa voix, sa Sou’, sa vie à lui… Il ne voulait pas la perdre. Mieux valait se perdre lui plutôt qu’elle. Il l’écouta et répondit, vaincu.