Jarlaxle

Un étranger voilà ce qu'il était. Pourtant, les elfes n'étaient pas inconnus de ces terres. Stormwind. On le dévisageait de haut-en-bas. Des pouffements de rire ou des rires ponctuaient son passage.
Mais lui s'en moquait éperdument, au contraire même, il adorait cette situation. Les regards braqués sur lui.
Il est vrai qu'il ne passait pas inaperçu. Tout dépareillé qu'il était. Un pantalon en fourrure brunâtre, des sandalettes, un chemise rouge, une cape verte et une veste sans manche ôcre, tendant vers le gris à cause de l'usure et de la poussière amassée. La boue sur ces guenilles complétait le tableau, et ici et là quelques bruns d'herbe étaient collés. Autre signe particulier, un bandeau sur son oeil gauche, pas celui des pirates,trop distingué, mais un bandeau de tissu usagé, autrefois blanc.
Il déambulait plutôt qu'il marchait. La bouteille à la main expliquait certainement pourquoi.
Des badauds lui lançèrent quelques pièces. Il tourna la tête dans leur direction, ferma son oeil "unique" tout en leur souriant niaisement. Il se pencha, ramassa lentement les pièces, puis les croqua une à une. Fallait pas qu'elles soient fausses non plus!
Reprenant son chemin, il vit un banc et s'y installa. Le temps passa, plus d'une heure, mais qu'est-ce qu'une heure pour un elfe?
Les gens s'étaient depuis longtemps désintéressés de lui. Il reprit sa route, cette fois personne ne fit attention à lui. La venue de "l'elfe poivrot" avait fait le tour et sa vue ne suscitait plus de surprise mais du dégoût chez la plupart.
Ses pas le trainèrent dans le quartier commerçant. Deux hommes vinrent à sa rencontre et le bousculèrent, avant de le frapper. Une Soeur d'Elune vint à sa rescousse. Les deux gaillards, en manque de sensations fortes, s'inclinèrent devant la Prêtresse et partirent à toute vitesse.
Elle tenta de le soigner , mais il refusa, tout en lui souriant. Alors qu'elle lui donna la Bénédiction, il lui prit la main. Et toujours le sourire aux lèvres, il secoua la tête pour signaler son désaccord. Il se releva, s'inclina et avanca vers la Fontaine. La Soeur d'Elune le suivit du regard un temps, avant de reporter son intention sur sa main. Il avait déposé des pièces dans sa main...

Il n'avait pas le temps, et surtout pas pour une prêtresse. Il s'installa tranquillement sur le rebord de la fontaine et oeuvra une bonne partie de la journée entre regarder les badauds et boire. Si on pouvait appeler ça boire, une grande quantité alla se "noyer" dans la fontaine. Cela lui prit du temps à se faire accepter, à se fondre dans la masse, à ne faire qu'un avec le décor.
Il était patient, très patient, même pour un elfe. Il sourit malgré lui, en se remémorant des moments de son enfance où il agaçait son entourage, en leur faisant perdre patience...Il revint à la réalité.
Comme par magie, ou chance, il le vit son objectif. En pleine discussion avec une autre personne...
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Il revenait de la banque et devait retourner à sa Taverne. Reese. Son nom lui avait été "donné" par un "informateur". D'après les renseignemens grâcieusement donnés, Reese détenait des informations de premier choix.
Un sourire aux lèvres, lâchant la bouteille, qui coula à pic dans la fontaine, il lui emboîta le pas, les mains dans les poches. Il prit même le luxe de siffloter. Il leva les yeux au ciel. Le ciel était bleu, sans nuage, le soleil brillait mais ne l'incommodait point.
C'est vraiment une belle journée, se dit-il, d'un geste rapide il déroba une pomme sur l'étalage d'une bonne grosse femme, une très belle journée en vérité, reste à savoir si la Lune sera teintée de rouge ce soir.
Sur ce il croqua la pomme juteuse, et dépassa Reese dans la Vieille ville pour se diriger vers le Quartier Nain. Comme prévu, Reese entra dans sa Taverne...Le "Cochon Siffleur".

Quelle poisse! Son indic avait été chopé par la Garde. Il donna dans une ruelle ses instructions. Un mouvement furtif dans les ombres et puis plus rien. Il en ressortit, de nouveau le sourire aux lèvres, peu de choses le perturbaient et ce malgré son "jeune" âge. Pourtant ces derniers temps, le fait de ne pouvoir atteindre son objectif le tracassait. Et pour ne rien arranger, son "allié" était parti faire un tour en Tanaris, et pour les transmissions d'infos confidentielles ce n'était pas le meilleur coin..
Il retourna dans la vieille ville, scruta les alentours et vit ce qu'il recherchait...un banc. Aussitôt d'un pas nonchalent il s'y rendit et s'installa à l'instar d'un pacha.
Deux jours qu'il glandait ici et là, à boire ou à dormir. Une vraie épave. Au bout d'un moment, "ils" se lasseraient de le pister et de l'observer.
Il se rappela le moment où, jouant l'ivrogne, il avait fait volte-face pour changer de direction et venir s'écrouler dans les bras de son "nouveau pote de boissons". Le Garde, en civil, ne savait plus où se mettre et son visage était devenu pâle comme un linge. Une multitude de craintes et de doutes avaient du l'assaillir à ce moment-là.
Quant à lui, il n'avait pas pu s'empêcher de rire du comique de la situation. Les Gardes voulaient le garder à l'oeil mais dès qu'il s'est retrouvé dans leurs bras, et ce au sens propre, ils ne savaient pas comment réagir ou quoi faire..
Avec ce doux souvenir, il s'endormit sur le banc...en pleine journée. Mais peu importe pour lui, l'ombre du batiment le protégeait du soleil et ses ombres le protégeaient du reste. Dans un dernier baîllement tonitruant et un dernier regard vers l'entrée de la Taverne, au moment où une jeune femme en sortait, prête pour la pêche apparemment, il s'endormit.
"Interessante personne que voilà" furent ses dernières pensées avant de sombrer dans le sommeil du "juste" .

2 heures du mat, et lui se levait enfin. Un rapide coup d'oeil aux alentours lui fit remarquer les traces de sang. Aucune goutte sur lui, ni aucune tâche. Ses Ombres faisaient aussi attention à ne pas l'indisposer pendant son sommeil. La rumeur devait déjà courir dans les rues"ne pas s'en prendre à l'elfe du banc". Il s'étira et sourit à cette idée.
Il se redressa et se dirigea vers la Taverne de Reese mais fit un léger crochet dans une ruelle où un corps gisait. Il détroussa le mort et prit sa cape, et se couvrit la tête avec la capuche. En fois ceci fait, il se rendit chez Reese.
Reese. Un humain assez bien bâti, ancien militaire ou guerrier aux vues des ses gestes et de sa démarche. Signe particulier: le visage en grande partie recouvert de bandages. D'àprès la Rue, il se serait fait cramer la face par un prétendu prêtre ou charlatan selon les dires...Famjiso.
Il sentit ses ombres se déplacer et se mettre en position. Reese était affairé à nettoyer sa vaisselle. Trois hommes en salle, et au comptoir, tous armés certains de manière discrète en plus de leurs larges épées.
Reese stoppa net puis repris sa vaisselle comme si de rien était. Un léger picotement à la nuque l'avait averti d'un danger. Ses yeux se plissèrent vers le nouveau venu. Jeune, svelte, athlétique malgré les vêtements amples, crades et la capuche qui masquaient le visage et le corps de l'Etranger, il ne lui paraissait pas très expérimenté dans l'art de la guerre voire pas du tout. Cependant, quelque chose émanait de lui, un danger sous-jacent qui semblait dire"prenez-moi pour un jeune novice et vous mourrez".
Reese glissa sa main sous le comptoir, sur son arme. Il s'était déjà laissé prendre par surprise une fois et ce maudit Famjiso l'avait grillé.
"Dégage-de là Etranger, je ne veux pas de problème". Ce dernier, tranquillement, ôta sa capuche et s'avança vers le comptoir. Il avait des cheveux blancs malgré son jeune âge, un elfe qui plus est, un bandeau couvrait son oeil gauche. Ce détail fit frémir Reese, sans qu'il comprenne pourquoi, il en avait vu des horreurs lors des batailles mais là un simple bandeau sur un oeil le mettait mal à l'aise.
"Je t'ai dit de dégager" Reese perdait son sang froid, sans raison apparente, ce qui intriguait les clients, des habitués. Ils dégainèrent et se rapprochèrent.
L'Etranger prit un tabouret et s'y installa. Reese en était blême."Dégage ou ils vont s'occuper de toi!"lui cria -t-il à la face. Ce dernier lui sourit et se pencha pour lui chuchoter quelque chose à l'oreille...

Reese recula sous l'impact des paroles, plus violemment que si il avait reçu un coup de masse. Les trois clients réagirent ou du moins tentèrent, ils n'avaient pas fait un pas qu'ils s'effondrèrent inconscients. Des ombres avaient bougé puis plus rien.
L'Etranger n'avait pas détourné son attention de Reese. Ce dernier fit ce qu'il ne fallait pas, il sortit de sous son comptoir et une énorme épée à deux mains. L'Etranger se contenta de reculer de deux pas, se mettant ainsi hors d'atteinte de l'épée, et sourit.
Reese comprit aussitôt son erreur, il s'était piégé tout seul, il était acculé derrière son comptoir, seul. Certes il était armé mais son périmètre de sécurité s'en était trouvé amoindri.
Un point lumineux rouge, dans un coin de l'auberge, sauva Reese. Il capta tout l'intention de l'Etranger.
Il y avait quelqu'un d'autre...