La vieille

En fait de ferme, il ne lui restait plus que l'ancienne cabane a bois.
Il ne faisait jamais vraiment froid dans les Marches de l'Ouest. Et puis elle avait depuis longtemps trouver de quoi se rechauffer. Une enième bouteille tronait sur la table.
La pénombre était forte dans la petite pièce, d'autant que le soleil radieux avait du mal à donner à travers l'unique fenêtre crasseuse.
Je m'etais appliqué à admirer danser les points poussiéreux dans le rayon lumineux.
On ne se regardait pas avec la vieille.
On ne se regardait plus depuis que l'homme de la maison n'était pas revenu.

J'ai cru un moment qu'elle était morte. Dans ce drole de silence ou nous étions plongées, je ne l'entendais plus respirer fort.
J'ai mis une eternité à me lever. Même debout j'eus l'impression d'avancer au ralenti, et peut-être d'ailleurs était-ce le cas. Près du lit, je m'arrêtais.
Un nuage passa et obscurcit encore un peu plus l'atmosphère.
Un frisson glacé me parcourut l'échine, j'avançais la main vers la petite chose fripée que j'avais apellé maman...

Elle poussa un râle et ouvrit un oeil.
sa voix raillée de mégère rompit alors l'improbable silence qui régnait jusque là.
- ...t'auras pas la bague ! J'l'ai bouffé...
Une quinte de toux un peu folle l'empêcha de rire.

J'aurais voulu qu'elle soit morte. J'eus presque un geste.
Mais morte, elle l'était, il me suffisait de la regarder pour le savoir.

Seulement à ce moment là je me demandais ce que je faisais là.
Pourquoi ne me l'étais-je pas demandé avant ?

Etrangement sans un mot, je fis demi-tour.
J'allais sortir quand une affreuse sensation me vrilla les entrailles.
"Et si je finnissais comme elle ? Seule et désesperée..."

Et là, sur le seuil de la cabane, je comprennais enfin ce que je fichais ici.
J'avais peur qu'un jour lointain, lorsque je serai vieille et frippée, lorsque j'aurais perdu l'épaule, le coeur et la seule âme qui me comprenne, je finnisse comme elle.
J'étais là pour moi. Pas pour elle.
J'étais soulagée et apeurée.

C'est là que je me suis mise à pleurer...

Elle a vraiment rendu son âme avant la nuit.
Je n'étais pas loin mais pas à ses cotés. La maladie avait donné à ses derniers propos tant d'agressivité et d'insultes que je pouvais desormais en rajouter à ma longue liste personnelle...
Après avoir trimer à reboucher le simple trou dans la terre, je m'assis sur l'herbe, là, au bord de la falaise.
La lune était bien haute, insensible et blême.
Elle ne reconfortait en rien mon angoisse et cette sensation de tristesse que je m'etonnais de ressentir.

Voila c'etait fini.
Personne ne la pleurerait.
Pas même la famille de mon père, du coté de Léandre, avec qui elle s'etait fachée bien auparavant.

J'étais fatiguée et sale. Je descendis sur ce morceau de plage oublié des murlocs pour me mettre à l'eau.
Les fons noirs semblaient apaisanst et chaleureux.
Un doux oubli de la pesanteur de mon être.
Se laisser guider par les flots, s'abandonner ainsi, avait une certaine saveur...