Brisée

Voilà, c'est la fin. Stoppée net en plein envol....

SCYLLA ?! *alarmée*

La convocation était tombée au courrier du surlendemain. Comment avait-elle pu savoir, mystère. Mais le fait est qu'elle avait su et qu'elle n'était probablement pas dans les tendres dispositions qu'une enfant de retour auprès des siens peut attendre de sa mère.

C'est le coeur serré qu'elle prit l'hippogriffe pour Darnassus avec escale à Auberdine. Elle se rendait compte qu'à force de répétitions, les retours à la capitale n'avaient plus pour elle la même saveur. Oh, bien sûr elle restait sensible à l'atmosphère de douceur et de sérénité qui empreignait toute la cité, mais à côté de ça...

Elle arriva à Auberdine sans encombres. Le vol avait survolé le Val Calciné et le Pic des Serres-Rocheuses mais la nuit était fort avancée et le vol relativement silencieux, si bien qu'elle n'avait essuyé aucun tir. Probablement aucun oeil ennemi ne l'avait repérée : Dame Caylais, la maîtresse des hippogriffes d'Auberdine, la reconnut dès l'atterrissage et s'inclina devant elle en assurant la jeune prêtresse de sa diligence. Aelwenn la remercia d'un sourire, glissant dans sa main quelques piécettes.

Elle n'avait pas précisément faim, pas vraiment soif, mais elle voulait être prête pour l'entrevue à laquelle elle était mandée. Aussi se dirigea-t-elle vers la passerelle d'un pas qu'on aurait pu croire solennel mais qui n'était que la résultante de la sourde anxiété qui montait à mesure qu'approchait l'heure.

- "Aelwenn ?"

La jeune prêtresse se figea au milieu des marches. Sa capuche l'avait empêchée tout à la fois de localiser correctement l'appel et de reconnaitre la voix. Lentement elle se retourna pour n'apercevoir au delà des marches que le visage de son amie qu'elle n'avait plus revu depuis si longtemps : Scylla.

Elle remonta, presque hésitante. Il lui semblait qu'il y avait des décades qu'elle ne l'avait pas revue. Et puis elle n'y tint plus : Dans un appel au secours muet, elle passa ses bras autour du cou de son amie et se pressa contre elle. Du réconfort, c'est tout ce qu'elle cherchait. Et Scylla, comme Dylinrae avant que cette dernière ne l'accable, avait toujours répondu présente quand l'occasion s'était offerte.

- "Ma Scyl, je suis tellement heureuse !"
- "Tu m'as manquée." répondit Scylla en réprimant un gémissement douloureux.

La voix épuisée de la druidesse surprit Aelwenn qui relâcha immédiatement son étreinte pour soulager son amie. Ce n'est qu'à cet instant qu'elle remarqua les bandages qui enserraient son buste et ses bras. Aelwenn y jeta un oeil avisé et les trouva propres et bien ajustés mais ça n'enlevait rien à la douleur de celle avec qui elle avait traversé tant d'épreuves. Les blessures étaient en voie de guérison mais leur originie surnaturelle rendait la magie d'Elune inopérante. Seul le temps en viendrait à bout.

- "Il ne faut pas rester ici." reprit Aelwenn d'une voix qu'elle voulait pleine de détermination.
- "Ici ou ailleurs, la lutte est partout la même et je suis lasse Ael."
- "Je le suis aussi, mais il nous faut tenir. Je suis convoquée auprès de ma mère mais viens avec moi à Darnassus, tu te reposeras chez moi, tu y seras bien."

Scylla ne chercha pas à lutter et emboîta le pas de la jeune prêtresse qui fit prestement préparer une monture supplémentaire. Aelwenn ne pouvait être à la fois avec son amie et à son rendez-vous et la priorité de la prêtresse A'moora n'était pas négociable, d'autant que Scylla avait surtout besoin de repos. Et puis elle réquisitionnerait une servante pour s'occuper de la druidesse. Il fallait bien que sa position lui octroie quelques avantages et une fois n'était pas coutume. Certes elle n'était pas encore prêtresse mais si sa mère voulait le considérer comme un abus d'autorité, et bien soit : elle assumerait. Elle assumerait ça aussi... et le reste.

Quand elle eut la certitude que Scylla serait traitée comme il se devait et avec la discrétion qui s'imposait, Aelwenn s'engagea enfin dans la longue allée qui desservait le Temple. Elle craignait que l'esprit rebelle de son amie ne l'incitât à quitter les lieux mais n'avait que la force de sa persuasion pour l'inciter à rester.

Elle ne put s'empêcher une pensée admirative non tant pour la beauté de l'art - ça tout le monde en convenait - que pour le talent particulier de l'architecte qui avait réussi à faire en sorte que le visiteur se sente tout petit à mesure qu'il progressait sur la longue allée. Elle ne doutait pas un instant que même un Tauren plein de morgue ne pouvait parvenir au Temple que la tête désenflée et son égo revenu à des proportions qui prêtaient à une discussion plus ouverte.

L'entrevue... se passa.

Elle eut des reproches. Elle eut aussi un moment une marque de reconnaissance vite effacée par la façon de la nuancer immédiatement. Certes elle avait gagné en assurance, en foi et en puissance, mais elle avait mis bien du temps pour un résultat somme toute modeste au regard du temps investi.

Et puis la décision était tombée, irrévocable comme un couperet : Non, elle ne serait pas prêtresse à son anniversaire comme elle ne se l'était figuré que dans ses rêves. La décision lui appartenait à sa mère et à nulle autre, ainsi qu'elle se l'entendit rappeler sèchement lorsqu'elle laissa échapper un soupir timide.

"Il serait temps pour que vous vous rendiez enfin compte, ma fille, que vous ne pouvez agir à votre guise comme une écervelée. Vous êtes un modèle pour toutes vos soeurs et beaucoup d'yeux sont braqués sur vous. Conduisez-vous en prêtresse, et nous verrons à officialiser ce statut. Mais tant que vous n'aurez pas confiance dans la sagesse des Anciens, c'est nul et non avenu."

Chacun des mots de sa mère était un doigt griffu qui venait enserrer le coeur de la novice qu'elle était. Elle aurait voulu crier l'injustice qu'elle ressentait, hurler sa soif de liberté, sa meurtrissure. Mais surtout, surtout, elle aurait tant donné pour avoir un peu d'amour de celle qui représentait tant pour elle, même un tout petit peu, une étincelle dans le regard, un geste, un signe...

Lentement elle s'inclina, manquant de peu l'expression de la grande prêtresse qui la regardait s'éloigner. Aurait-elle apprécié ce voile ?

Scylla regarda son amie partir, une fois que cette dernière se fut éloignée.
On lui proposa un bain qu'elle refusa, on la conduisit à sa chambre. Tout le monde était aux petits soins avec elle, mais elle s'en moquait ou tout du moins ne s'en préoccupait guère. Seule dans cette immense chambre, elle se sentit néanmoins à l'étroit, ses angoisses et ses échecs vinrent de nouveau l'assaillir. Elle avait même l'impression que son corps allait se disloquer ou être supplicié d'horribles autres façons. Ses tortures et mutilations avaient atteint un paroxysme et même sa mort à Orgrimmar avait été "délicate" en comparaison.
"On ne peut mourrir et être rappelée à la Vie sans en payer le prix. La Chair a ses limites" Elle reconnut aussitôt cette voix, qui martelait son crâne. Elle l'avait déjà affronté autrefois et avait failli y laisser son âme. Mais sa nature duale l'avait sauvé...c'était autrefois. Qu'en était -il aujourd'hui? Le Félin avait pris le plus gros des dégâts avant de sombrer dans le néant de l'Oubli. Scylla savait qu'il n'était pas mort, du moins pas encore....

L'Elfe et le Félin faisaient partie intégrante d'elle, sans l'un ou l'autre elle décéderait. Et là, le fil était mince, très mince, trop. Les séquelles de l'un se voyaient sur l'autre. Dès lors que le Félin a été pulvérisé, pour ainsi dire, le corps elfe de Scylla a été grave et grièvement marqué. Comment en est-elle arrivée là? Les ennemis n'avaient pas été si puissants. Des flashs, des réminiscences de sa vie, de ses échecs et surtout certaines de ses morts lui parvinrent à l'esprit....

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Emeriss...
Voilà, l'une de ses morts les plus rapides, et des plus violentes. Son âme et son corps ont failli être dissociés, son corps s'est décomposé à l'instar d'une fleur qui fâne à toute vitesse avant de retourner à la terre et à la Nature.
Un souvenir des plus désagréables et qui suscita un frisson dans tout l'être de Scylla.
De nouveau, un flash...

Quel froid!
Dès que la goule l'a touché, un froid intense l'a envahie. Aussitôt la Mort l'a frappée, Scylla est morte sur le coup.Terrassée. Transformée en une icône de glace de Scylla. Elle se souvint des cris de détresse de Cyrrius, qui s'en voulait de n'avoir pu la sauver. Peu à peu, son corps se fit de plus en plus léger. Les cris et les sons se firent de plus en plus lointains. Puis, plus rien...Le Vide, le Néant, l'Oubli...

Mais cela ne fut pas la dernière fois que le corps de Scylla se métamorphosa de manière aussi horrible et grave...
Tout récemment, elle en avait fait la découverte. Si son corps change pour devenir un félin aux yeux des autres, il ne s'agit que l'expression de sa nature duale. Alors que là...

Réprouvée! Réprouvée elle était devenue!

Quelle souillure pour Scylla que devenir une membre de la Race qu'elle détestait le plus au monde. La Non-vie! Quelle ironie pour une Gardienne de la Nature...


Voilà,en résumé, comment elle en était arrivée là. Maintenant la question était de savoir combien de temps cela durerait? si elle guérirait...
Le pire c'est quelle savait qu'elle serait de nouveau pourchassée par cette angoisse, par la Mort...

Quand reviendra-t-elle me hanter?

Scylla, tu prends des risques tellement disproportionnés...

Et je vois pourquoi tu le fais : tu suis celui qui éclaires ton coeur. Mais un dragon ma Scylla... Vous n'êtes pas raisonnables. Prendre des risques, soit, mais tu vas tellement loin.

Hier soir tu avais récupéré une forme suffisante pour nous accompagner et malgré celà tu t'éloignais souvent de notre groupe, tu t'éloignais tant qu'il n'était plus possible pour moi de te faire bénéficier de mes soins. Tu ne te rends pas compte ma Scylla mais cette situation est vraiment difficile pour moi car je sens ta souffrance sans pouvoir intervenir. Je sais ton instinct de liberté, ton esprit rebelle et je le respecte. J'ai appris à la faire pour pouvoir rester ton amie. Je sais combien il t'est cher, mais je t'en supplie ne me met pas ainsi à la torture de te savoir battue, blessée, en ne pouvant faire qu'assister impuissante à cette lente extinction et priant pour que tes forces ne soient pas dépassées.

Scylla sombrait davantage encore dans le désespoir. Elle avait "accompagnée" Aet et ses amies dans Désolace. Rapidement, un constat se fit, bien qu'elle parvenait à résister aux adversaires, elle était toujours assistée. Elle décida donc de s'éloigner du groupe, non sans avoir vérifié à plusieurs reprises que les autres ne craignaient rien. Mais de ça, elle n'en doutait pas, elles étaient toutes individuellement puissantes, alors en groupe aucun ennemi ne le résisterait.

Quelques fois un fou rire s'échappait de la bouche de Scylla, mais c'était nerveux. Aucune résistance de la part de ces adversaires, et ce même quand elle leur laissait l'avantage. A plusieurs reprises, Scylla se laissa charger avant de contre-attaquer, et là encore, décevants étaient ces adversaires. Alors, regardant tout autour d'elle, pour vérifier qu'aucune autre du groupe ne verrait ce qu'elle s'apprêtait à faire. Une fois sure de ne pas être en vue d'Ael, elle provoqua un adversaire, ce dernier ne se fit pas prier. Il la chargea. Alors, Scylla fit quelque chose qu'elle n'aurait jamais fait en temps "normal". Mais autre temps autres moeurs, comme on dit.
Ce qu'elle fit, arrêta même son adversaire, trop sidéré, par son culot. Scylla avait rengainé sa dague et fit craquer ses phalanges. "A l'ancienne". Scylla se mit en position. Son adversaire réalisa qu'elle était sérieuse. Elle allait l'affronter à mains nues.Il devint fou furieux et chargea de nouveau.

Le combat dura plus longtemps que les autres, Scylla était en difficulté mais un sourire se dessina sur ses lèvres. Son corps était mis à rude épreuve mais paradoxalement il en émanait une certaine vitalité...

Cette fois-ci la victoire avait un goût beaucoup moins amer. Mais cela était encore loin d'être satisfaisant. Scylla tint bon et enchaîna les adversaires, toujours à mains nues. Voyant, ses alliées se rapprocher, Scylla dégaina promptement sa dague. Elle n'avait pas du tout envie de se faire sermoner par Ael ou quiconque d'autre.
Elle rejoignit le petit groupe, et le massacre continua encore quelques minutes. L'objectif de la mission atteint, elles se regroupèrent pour faire une mise au point sur la suite des évènements, mais déjà Scylla retombait dans sa léthargie, son abîme, les effets des combats s'étant estompés...Il lui fallait quelque chose d'autre.
Elle prit conscience de l'ironie de la chose...La Mort la traquait, l'avait affaiblie, failli la détruire mais Scylla ne se sentait vivre qu'en Sa Présence, en jouant le rôle de sa convoyeuse, de sa Faucheuse.
La Nature et elle étaient liée par le sang et l'âme, mais...mais en serait-il de même avec la Mort?
Si la première alliance était une sorte de symbiose, de parfaite harmonie, la seconde quant à elle était une lutte, lutte de force et de volonté. La Mort veut Scylla, son âme, et Scylla a besoin d'elle pour...vivre! Tous les ordres de missions de Scylla, ou encore son rôle de Rédemptrice de la Nature engendraient la Mort. La vie de Scylla était jonchée de cadavres, de morts.
Cette prise de conscience et le fait de savoir que le Félin agonisait accuentuèrent davantage la détresse de Scylla.

Le soir de retour dans ses quartiers à Désolace, Scylla céda. Et quelques verres (trop) de rhum, Scylla se confia à Dyl et à Nk.

La gueule de bois, Scylla se leva, convoqua une servante. Elle prit un bain avant de prendre un léger petit déjeuner. Une fois prête, elle descendit dans la chambre qu'Ael avait prise la veille. Elle dormait à poings fermés. Sa dernière sortie l'avait exténuée. Scylla voulut sourire devant le visage si détendu et apaisé d'Ael, tout le contraire de celui qu'elle avait la journée, tourmentée par ses propres démons.
Scylla était toujours aux prises des siens, et aucun sourire ne parvint à naître sur son visage fatigué.

Elle prit ses affaires et partit en Désolace. Elle massacra quelques Satyres, puis quelques orcs avant de s'acharner sur les créatures des alentours. Rien, rien ne la sortait de sa torpeur. Elle se téléporta à Booty, s'aventura dans la jungle, échappa de justesse à quelques Anciens Gorilles. Elle battit la jungle à la recherche de quelques proies, qu'elle ne trouva pas. Le Félin inconscient, elle devait se fier à ses instincts d'elfe. Quelle déception! Echec, encore un de plus.

Elle s'arrêta après quelques heures, la nuit était déjà noire. La fatigue se fit sentir. Mais pas celle physique. Sa fatigue nerveuse et psychologique.
Elle était lasse. De jeunes fauves s'approchèrent d'elle, pensant la prendre par surprise. Un, deux...Quatre, ils étaient quatre. Scylla incanta et ce par quatre fois et aussitôt la Nature vint à son aide. Des lianes et des racines enchevètrèrent les fauves. Ces derniers rugissaient de rage et de douleurs. Scylla les ignora et incanta. Le décor se brouilla, changea.
Havrenuit. Ce lieu lui rappelait des souvenirs...trop peut-être en ce moment de dérive. Elle sombra dans l'inconscience.

Et voilà...Retour à la réalité, Scylla reprit conscience...Sa vue était claire... Havrenuit...Pour la deuxième fois, ce lieu si cher à son corps et coeur lui avait sauver la vie. La Nature et ce lieu étaient ses alliés, son sanctuaire. Peu de gens foulaient ce sol consacré. Scylla prit sa décision. Ses pas la conduisirent à une petite maison, mais pas n'importe laquelle...Elle entra, déposa ses armes et effets personnels, à même le sol. Elle ressortit, nue, si ce n'est les bandages qui la recouvraient pratiquement entièrement. Elle plongea dans le lac. L'eau lui rendit vie. Son corps et son âme reprenaient le dessus, la noirceur de son abîme se désagrégea.
Deux heures plus tard, Scylla sortit de l'eau. Ereintée mais heureuse. Elle retourna dans la maison et s'endormit à même le sol. Ici, elle ne craignait rien. Après tout, c'était la maîtresse des lieux, pendant l'absence de son parent. Et les gardiens savaient où elle était. La Nature reliait tout le monde ici, du moment où l'on était son protecteur.
Harmonie, symbiose, Scylla était tout et rien ici. Quel meilleur endroit pour arpenter le Rêve Emeraude? la réponse était évidente..Aucun.
Au revoir Booty, bonjour Stormwind voilà la décision qu'elle prit à son retour...
(suite "Seule et faible?" dans le forum comptoir)