Voyage

Fatigue…épuisement…voilà le lot quotidien de Scylla ces derniers jours. Et ce depuis son départ pour son entraînement, depuis son départ d’Auberdine au pas de course. Pas qui l’avaient conduite à travers Ashenvalle et les Serre-Rocheuses, jusqu’ici…. Le Val Calciné. Tout du moins l’entrée du val où les « ennuis » l’avaient finalement rattrapée.
Encore quelques mètres et elles seraient sur elle; Scylla ferma les yeux pour entrer en Harmonie avec la Nature et le monde environnant. Elle sentit les deux Harpies s’approcher d’elle mais elle sentit également la présence de son poursuivant, il ne l’avait pas lâché depuis qu’elle avait foulé le sol des Serre-Rocheuses; il était quelques dizaines de pas en arrière.
Elle ouvrit les yeux et gravit le monticule rocheux devant elle, pour devancer l’approche de ses ennemis. Aussitôt à portée de griffes, les Harpies l’assaillirent mais Scylla ne recula point, changeant de positions de frappes et se déplaçant sans cesse, elle causa de nombreux dégâts. Le combat fut âpre et terriblement sanglant, plusieurs fois le sang gicla sous les coups de griffes des Harpies et de bâton portés aux visages de ces dernières. Scylla n’usa pas de sa magie, pour garder des atouts dans sa manche car tôt ou tard il faudra faire face à son poursuivant.
Les Harpies tentèrent, malgré leurs multiples blessures et fractures, de s’envoler pour s’enfuir. En vain. Un battement d’ailes plus tard, elles s ‘écrasèrent au sol, mortes... Un bruit derrière elle.
Scylla fit un pas de côté et une hache heurta le sol à l’endroit qu’elle occupait auparavant.
-« Quoi encore? » S’écria Scylla, qui se retourna aussitôt pour se retrouver nez à nez avec un Orc. Son poursuivant était donc un orc, ce dernier avait profité de la concentration de Scylla durant son combat avec les Harpies pour se rapprocher « discrètement » . Mais son manque de finesse et sa lourdeur l’avaient trahi.
C’était un Orc chauve au teint verdâtre, à la mâchoire carrée, dont les crocs dépassaient. Ses yeux étaient couleur de feu, tout comme sa barbe, mais son œil droit était légèrement poché. Bien que musclé, il ne semblait pas imposant. Son armure de mailles et sa Hache à deux mains n’étaient pas de bonnes factures. Et pour compléter le tableau, une lourdeur et désagréable odeur de transpiration émanait de lui. Scylla devina qu’il avait dû courir comme un forcené pour pouvoir la suivre et la rattraper mais également pour fuir les créatures de cette région.
L’Orc lança une série d’attaques que Scylla para ou esquiva partiellement, lui laissant de nouvelles estafilades et entailles sur la peau. Elle tenta de répliquer mais ses forces la quittaient peu à peu, trop d’efforts et sur une trop longue durée. Ses coups étaient moins précis et moins puissants, ce qui amusa l’Orc. Ce dernier profita d’une maladresse de Scylla pour contre-attaquer, le coup porté avec le plat de la Hache atteignit Scylla, de plein fouet, à la tempe. Sa vision ne se brouilla qu’un court instant et Scylla retrouva déjà ses esprits…. Trop tard.
Profitant de cette occasion inespérée, il ajusta son coup et frappa Scylla au ventre, qui se retrouva à genoux sous la force de l’impact. Scylla se tordit de douleur et cracha du sang, mais fut surprise d’être toujours en vie.
L’Orc tournait autour de Scylla, à ses pieds, comme un prédateur autour de sa proie. Il lui portait d’autres estafilades tout en la raillant. « Quel présomptueux! Qu’attend-il? » Pensa Scylla, toujours surprise d’être en vie après un tel coup. L’Orc alla se planter de nouveau devant Scylla, ne cessant de se moquer d’elle. Scylla réfléchissait à l’attitude de cet orc, elle releva la tête. Il la regardait avec mépris et un sourire malsain aux lèvres. Scylla le toisa du regard et sourit. Les traits de l’orc se déformèrent de rage. Elle comprit. Il leva sa hache…
Mais Scylla fut la plus prompte à frapper. Elle porta deux attaques. La première atteignit l’orc à l’entrejambe, ce qui produisit l’effet escompté: l’orc se plia en deux. La seconde toucha l’orc au milieu du front, ce qui, par la force d’impact, le fit choir sur son séant. Scylla, s’étant redressée, recula et incanta. L’orc, de nouveau debout, s’apprêta à charger lorsque des ronces jaillirent du sol pour grimper le long de ses jambes, déchirant armure et chairs, et l’immobiliser.
Dans la foulée, Scylla incanta de nouveau, et ce par deux fois, un sort sur l’orc et le second sur elle. Le premier n’avait pas d’effets visibles mais avait pour but de rendre les protections de l’orc moins efficaces. Le second soigna Scylla de toutes ses blessures, elle recouvrit immédiatement sa vitalité perdue. Elle se redressa de toute sa taille, toisa l’Orc, toujours emprisonné des ronces, et lui fit un de ses sourires carnassiers dont elle avait le secret.
Elle se mit en position d’attente, mais avec une intention visible d’attaquer. Elle provoqua l’orc en lui faisant signe de l’attaquer, au moment où claquant des doigts, elle libéra l’orc de ses entraves végétales. Ce dernier fulminait de rage et, comme elle l’avait deviné, chargea. Scylla bondit gracieusement en avant, prenant ainsi de court l’orc, et lui assena un violent coup à la mâchoire, ce qui la lui brisa et fit sauter quelques crocs. Sous l’impact, il recula de plusieurs pas. Scylla bondit de nouveau pour franchir la distance les séparant. Dès lors, ils échangèrent de nombreux coups, mais ceux de l’orc devenaient de moins en moins précis et puissants. Scylla , quant à elle, enchaînait son adversaire, combinant magie et aptitude martiale. Il reçut une pluie de coups et d’éclats lunaires; Scylla avait appris à combattre ainsi et le malheureux l’apprit à ses dépens.
Titubant, il recula de plusieurs pas, haletant et grièvement blessé. Scylla, toujours en position d’attaque, attendait, cherchant également à retrouver son souffle. L’orc semblait plus petit et plus chétif, certainement dû au fait qu’il ait plusieurs côtes et os brisés, dont ceux de son bras gauche. Son regard était plus terne, et Scylla put y voir une certaine peur. Oui, il avait peur. Peur de cette elfe qui avait mené un combat difficile avant qu’il ne l’attaque et qui semblait presque inoffensive après leurs premières passes d’armes. Rien à voir avec celle qui se trouvait face à lui. Il regarda en direction des corps des Harpies et une sensation de mort imminente le frappa. Il hurla de rage comme pour chasser cette pensée de mourir, et son cri s’amplifia quand il vit le sourire de Scylla. De nouveau il chargea.
De nouveau il chargea, tout comme elle l’avait escompté. Scylla fit un simple pas de côté et frappa le genou, qui sous la force du coup, éclata. Un cri de douleur retentit avant de mourir au moment où la face de l’orc heurta le sol. De nouveau, des crocs sautèrent et le nez fut broyé.
Mais l’Orc ne perdit pas conscience, il leva la tête et vit Scylla, toujours souriante, invoquer Elune et le frapper. La dernière chose qu’il vit fut l’extrémité du bâton se dirigeant vers son front. La tête défoncée au niveau du front, et le dos transpercé par un éclat lunaire, l’orc s’affala, mort.
Scylla, du bout du pied, fit dégringoler du monticule le corps de l’orc vers les autres. Scylla se tenait seule debout sur le monticule, une pensée la traversa et elle ne put réprimer un petit rire….Ael. Quelle tête ferait Ael si elle la voyait en ce lieu et maintenant? Ses vêtements étaient en loques, déchiquetés, tailladés et brûlés à certains endroits. Et elle? Pleine de plaies, entailles, griffures, morsures et autres brûlures, mais également, couverte de poussière mêlée aux sangs, le sien et ceux de ces adversaires; mais aussi des muscs et autres substances suspectes. Et pour toile de fond, elle sur un monticule rocheux au milieu du val calciné, avec une multitude de cadavres dans son sillage. Plus d’une douzaine. De diverses races. Des Harpies, des Basiliques, des Destructeurs ardents, des Esprits de la Roche Furieux. Une Matriarche Chimère. Et un Orc.
Scylla chassa cette pensée et tenta de faire le point. Elle était seule, blessée, au milieu de nulle part et déjà dans le ciel des charognards tournoyaient au dessus du carnage, et l’odeur de la Mort et du sang en attireraient d’autres et beaucoup moins « sympathiques ».
Et la situation en contrebas n’était pas plus réjouissante. Une multitude de points lumineux, tels des feux follets, lui apportaient la « lumière » suffisante pour estimer des dangers. Ces « feux follets » étaient en fait des Destructeurs Ardents, mais ils n’étaient pas les seuls à peupler le val…

Scylla,... tu prends de tels risques...

Fais attention à toi ma Scyl, sois prudente car il est des lieux où je ne peux m'aventurer seule pour aller te chercher. Ce que je dirais ? Je ne pense pas que mes mots soient si importants. J'aurais pour toi un regard angoissé chargé de la plus douce des compassions, ne te soucie pas de ça.

Elune sourit à ceux qui oeuvrent dans ses voies. Et je sais que tu ne les quitteras pas volontairement. J'ai confiance en toi.

Ne dis pas ça Ael. Tes mots sont toujours précieux pour moi.
Qu'Elune te garde mon amie.

Le ciel s'éclaircissait, annonçant la fin d'une nuit sanglante. Déjà des cercles concentriques indiquaient la présence des charognards, prêts pour leur repas. Scylla avait faim, ses combats l'ayant vidé de toutes forces. Elle posa ses sacs au sol à la recherche de quelques nourritures.
Elle prit des morceaux de viandes, s'assit et dévora son repas. Les charognards, ne percevant plus de danger, en profitèrent pour fondre sur les carcasses et les cadavres jonchant la base du monticule.
Le soleil darda la scène surréealiste de ses rayons: un repas parmi les morts, parmi la mort.
Le jour apporta son lot de découragement. Si les "feux follets" étaient visibles de nuit, ce n'était pas le cas pour les autres créatures du val.
Un rapide coup d'oeil permit à Scylla de dénombrer plus d'une cinquantaine d'adversaires potentiels. Scylla analysa la situation. Elle devait traverser mais n'avait plus la force de combattre. Sa faim était calmée mais son corps, ses muscles réclamaient un repos depuis longtemps exigé. Si par malheur elle devait combattre, d'une part elle serait désantagée par sa fatigue et d'autre part, aux vues de la proximité des créatures les unes des autres, son combat attirerait d'autres opposants et donc la mort assurée.
Au moment où son courage l'abandonnait, elle sentit au fond de son être comme un appel. Son Appel. Elle décida d'y répondre et aussitôt une grande vague de chaleur se diffusa dans tout son corps, dans les moindres parcelles de ce dernier. La Fatigue et le découragement s'envolèrent en même temps que ses traits changèrent.
Scylla esquissa un sourire, ses babines se retroussèrent sur une rangée de crocs aiguisés et tranchants. Sa Nature profonde était réveillée.
Désormais un Félin se tenait en lieu et place de l'Elfe. Là où il y avait eu hématomes, il y avait une fourrure. Là où il y avait eu douleurs et fatigue, il y avait désormais force, vigueur....

Elle se mit en marche, après s'être concentrée et avoir fait de nouveau appel à la Nature. Elle semblait comme invisible. Scylla passa au milieu des Harpies et autres Destructeurs Ardents sans s'en soucier. Et comme escompté, personne ne la vit ou ne la détecta. De toute façon, bien mal serait la créature qui s'attaquerait à Scylla, sous cette forme. Tout en elle n'était que furie et tuerie, ses griffes et ses crocs déchiqueteraient facilement ses faibles proies. Là où l'Elfe avait eu des difficultés, le Félin jouerait en tuant, sans état d'âme ni remords, mais le plaisir de traquer et de tuer était présent dans tout son nouvel être. Le Félin avait voulu bondir sur cette Harpie qui lui tournait le dos. Mais l'Elfe, même enfouie, en repos au fond de son âme, refusait. La Nature duale de Scylla entra en conflit, et l'espace de quelques secondes le Félin avait pris l'ascendant. Mais avant qu'il ne bondisse sur sa proie, dans un ultime assaut et ordre, l'elfe imposa sa volonté. Le Félin/Scylla reprit sa route. La Harpie venait d'échapper à la mort et sans s'en douter.
La traversée du Val qui aurait dû lui prendre des heures ne lui prit qu'une demi-heure, et surtout sans autre combat.
Enfin, elle était arrivée au bas de la colline qui devait la conduire à Désolace. Scylla se retourna, et ses babines se retroussèrent sous la forme d'un sourire.
Tout n'est pas perdu, cette journée ne commence pas si mal. Je reviendrais avec Ael
Scylla, conservant sa forme, gravit tranquillement la pente et bientôt les terres arrides de Désolace devinrent visibles...Son prochain terrain de jeu/chasse...